Neurosciences et Chamanisme

Juil 31, 2023 | Uncategorized

Céleste a pour but de vous faire découvrir des pratiques souvent sujettes à de nombreux stéréotypes, ou encore perçues comme obscures. Dans cet article nous essayons de vos présenter le lien entre neuroscience et chamanisme à la lumière du travail de Corine Sombrun

Mieux comprendre les neurosciences

Définition

Les neurosciences ont pour but d’expliquer le fonctionnement du cerveau et donc effectuent des recherches sur le système nerveux. L’institut national de la recherche du cancer définit le système nerveux comme un “ensemble composé du cerveau, de la moelle épinière et d’un réseau de nerfs parcourant tout l’organisme. Le système nerveux commande et contrôle l’ensemble du corps. Il est divisé en deux parties ; le système nerveux central, qui comprend le cerveau et la moelle épinière, et le système nerveux périphérique, composé de nerfs.

L’approfondissement de connaissance sur cette zone de notre corps permet de mieux comprendre son fonctionnement global mais aussi de mieux appréhender les dysfonctionnements du cerveau et les maladies neurologiques comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson.  

Origines et développement des neurosciences

Ce terme apparaît dans les années soixantes grâce des prix Nobel de physiologie Torsten Wiesel et David Hunter Hubel qui utilisent dans leurs travaux une approche électrophysiologique. Ils ont pu capter des réponses électriques dans le cortex visuel d’un chat lorsqu’on lui présentait des images différentes. 

Bien que leur nom et la reconnaissance qui l’accompagne soient récents, les neurosciences sont les héritières de nombreuses recherches en biologie, chimie, philosophie etc. 

Dans un premier temps, lors de l’antiquité romaine et égyptienne, les médecins s’intéressent au lien entre le système nerveux et la pensée et plus largement au rôle du cerveau dans les fonctions mentales. Mais, c’est avec la découverte de la bioélectricité par les recherches sur l’électricité animale du physicien italien Galvani que les travaux de recherches sur le système nerveux débutent, ils publient ses travaux en 1791 dans son ouvrage Commentaire sur les forces électriques dans le mouvement musculaire et c’est le médecin anglais Richard Caton en 1875 qui vérifie le lien entre l’activité électrique du cerveau et les comportements. 

Bien sûr, l’avancée des sciences et l’amélioration des connaissances en chimie, en psychologie et dans d’autres disciplines permettent d’accroître les informations sur le système nerveux et son fonctionnement.

Les neurosciences sont multidisciplinaires et s’organisent en de nombreux groupes de recherche. 

  • La neurobiologie du développement, étudie la manière dont le système nerveux se développe chez les individus.
  • La neuroanatomie, développe les connaissances sur le système nerveux central et périphérique.
  • La neurobiologie moléculaire et cellulaire, focalisée sur les mécanismes des molécules lorsque les nerfs sont en action.
  • La neurochimie et neuropharmacologie analyse l’impact de la biochimie, de médicaments ou autres substances sur le système nerveux.
  • La neuroendocrinologie observe les interactions entre le système nerveux et le système endocrinien.
  • Les neurosciences cliniques, approfondissent les connaissance sur le fonctionnement normal et pathologique du cerveau.
  • La neurophysiologie, se concentre sur les fonctions du système nerveux, de l’échelle moléculaire jusqu’au réseau neuronal.
  • Les sciences cognitives, mobilisent différentes pratiques et méthodes pour comprendre le fonctionnement de la pensée et le système de traitement de l’information.
  • Les neurosciences théoriques créent des théories mathématiques pour modéliser le fonctionnement du cerveau.

De nombreux organismes prennent en charge l’étude des neurosciences comme l’Institut du Cerveau en France, la Fédération pour la Recherche du Cerveau ou encore un département de l’Institut Pasteur.

Les méthodes de recherche sont nombreuses mais elles se répartissent en deux principales approches:

  • L’approche ascendante qui part des bases du cerveau pour tenter de comprendre les fonctionnements du tout,
  • et à l’inverse l’approche descendante qui débute par l’étude des manifestations pour comprendre comment ce centre fonctionne. Le développement de l’imagerie cérébrale permet la rencontre de ces deux approches.

Chamanisme

Origines

On rencontre des formes de chamanisme chez tous les peuples premiers, les Mongols, les Turcs et les Magyars (avant leur christianisation), mais aussi au Népal, en Chine, en Corée, au Japon, en Scandinavie, en Afrique, en Australie, chez les Premières Nations d’Amérique du Nord et chez celles d’Amérique latine. – Wikipedia

Il existe donc de nombreuses branches du chamanisme, nous nous concentrons sur le chamanisme mongol dans cet article, plus particulièrement le chamanisme expérimenté car Corine Sombrun lors de son initiation et de ses recherches.

Le chamanisme, prend son origine dans le terme Toungouse “chamane”, utilisé par ce groupe de peuples provenant de Sibérie. Il renvoie à une personne associée à la religion et aux esprits. Cette personne est perçue comme indispensable à la vie de la communauté : selon les croyances, elle permettrait de faire venir la pluie, d’obtenir de bonnes récoltes ou encore d’être en contact avec un autre monde, et de soigner les malades, leur corps mais également leurs âmes, avec la participation des esprits. 

Dans cette culture, la présence, la communication et le soutien des ancêtres sont très importants; il existe une véritable vénération des défunts, on les invoque pour leur demander de l’aide, la fortune des affaires, on sacrifie des animaux en leur honneur. La profanation des ancêtres est complètement exclue et inenvisageable. Ils font partie du monde, du monde invisible certes, mais du monde dans lequel on vit. 

La Nature, et la symbiose avec cette dernière et les animaux, font complètement partie des habitudes des chamanes. Il existe par exemple des pratiques de vie de l’âme à travers le corps d’un animal parmi les expériences chamaniques: l’âme de l’individu entrant en transe serait comme transportée dans le corps d’un animal, amenant ainsi la personne en transe à agir et être comme l’animal qu’il incarne.

Influence du New Age dans la démocratisation du chamanisme

Depuis les années 80, le tourisme spirituel s’est développé avec une véritable romancisation des manières d’être et de vivre des peuples d’où descendent les traditions reprises par le mouvement New Age. Le chamanisme ne fait pas exception. Il plaît car il suggère un mode de vie en symbiose avec son environnement. A l’heure de la naissance des mouvements hippies et de la pensée écologique, il semble tout à fait à propos. 

En effet, le mouvement hippie né grâce au Summer of Love en 1967 aux Etats-Unis donne l’impulsion à la diffusion de cette manière non-conformiste et plus libre de vivre, en dehors de la société de consommation. 

On voit notamment avec l’arrivée de ce mouvement une consommation croissante de psychotropes et la recherche constante d’état de conscience modifiées pour servir la quête de soi. La quête identitaire est un véritable moteur dans la recherche de nouvelles pratiques et donc l’intérêt pour des pratiques comme le chamanisme.   

Le chamanisme apparaît également comme une réponse parfaite au sujet écoféministe qui émerge à l’époque. Ces sujets d’écologie, qui sont théorisés en occident dès les années 70, sont en réalité au cœur des modes de vie des peuples à l’origine de ces pratiques. 

Le chamanisme voit donc un essor croissant, surtout en amérique latine où les touristes partent en quête d’eux mêmes dans les temazcal, les plantes médecines, les voyages au tambour et bien d’autres pratiques encore.
Aujourd’hui les personnes se revendiquant chamanes sont nombreuses, on peut même voir fleurir des formations pour devenir chamane. Évidemment nous reviendrons sur les sujets du business spirituel et de l’appropriation culturelle plus tard (dans un prochain article).

Qui est chamane ?

La tradition dit que les chamanes sont nés deux fois, le jour de leur naissance et lorsqu’ils ont été ramenés à la vie par un événement important parfois violent. Devenir chamane est un long processus d’apprentissage, mais ces personnes sont considérées comme choisies car elles auraient la capacité d’être en communication avec un autre monde dit “invisible”. Ils seraient dotés de capacités particulières qui feraient que leur perception sur ce qui les entourent est plus large, plus objective et moins empreinte de leurs peurs, les idées etc. 

Le chamane serait donc un être à part, capable de se connecter à un tout plus grand que lui, il est le lien entre le visible et l’invisible. Pour se connecter à l’invisible le chamane entre dans des états de transe. Les états de transe sont le lien avec nos neurosciences, ils sont dans ce cas atteints grâce au tambour, à la guimbarde, ou à la flûte. Il y a des cultures où les transes sont induites par des psychotropes, eux aussi étudiés aujourd’hui en occident dans le traitement de stress post traumatique sévère par exemple.

Nous reviendrons sur ce sujet dans un futur article.

La relation entre les neurosciences et le chamanisme

L’histoire de Corine Sombrun

L’histoire de vie de Corine Sombrun est désormais un véritable outil de sciences. En effet, en 2001, elle se rend en voyage en Mongolie au sein de l’ethnie des Tsaatans pour l’élaboration d’un reportage pour la BBC sur les traditions chamaniques. Au premier son de tambour joué, Corine Sombrun entre en état de transe, elle hurle et agit comme un loup. Le chamane qui jouait alors du tambour, lui explique qu’elle est elle-même destinée à être chamane et que refuser ce chemin créerait des déséquilibres et une dysharmonie chez elle. Elle entame alors un long apprentissage de 8 années au cours duquel elle apprend les rituels, pratique la transe et le mode de vie chamnique entre sa vie en France et des voyages en Mongolie. 

Corine Sombrun a pu décrire à plusieurs reprises ce qu’elle ressentait lorsqu’elle était en transe. Elle perdait la notion du temps, et ses sens étaient éveillés et décuplés tout comme sa force physique. Elle soutient qu’elle a la capacité de sortir elle-même de cet état de transe quand elle le souhaite. 

La transe, objet d’études

A la suite de son initiation, Corine Sombrun collabore avec de nombreux chercheurs et médecins comme Pierre Etevenon (ex-directeur de recherche à l’INSERM), Francis Taulelle (directeur de recherche au CNRS), Pierre Flor-Henry et des organisme spécialisé dans les neurosciences. Au Canada avec le professeur Flor-Henry, ils réussissent à déterminer le fonctionnement de son cerveau lors de l’état de transe grâce à un électroencéphalogramme. 

Les résultats démontrent qu’au repos, le fonctionnement de son cerveau était tout à fait normal mais lorsqu’elle était en transe, il s’approchait grandement d’un état psychopathologique ou de celui des personnes atteintes de schizophrénie ou de troubles maniaques. L’électroencéphalogramme montre que durant la transe, c’est l’hémisphère droit du cerveau, source de l’imagination et des rêves, qui domine et non l’hémisphère gauche comme la plupart du temps. 

Corine Sombrun a cofondé en 2019 le Trance Science Research Institute, un institut consacré à ces travaux relatifs aux aspects neurocognitifs de la transe et à ses applications. Elle cherche à prouver que la transe est largement plus accessible que l’on ne peut le croire. En Mongolie, par exemple, ne sont chamanes que les personnes ayant accès à la transe (entre autres), ce qui représente 0, 001% de la population. 

Création de la transe cognitive auto-induite et ses possibles bénéfices

Alors, avec l’aide de chercheurs spécialisés, elle créa une boucle de sons plus intense permettant d’entrer en transe, finalisée en 2015. Cette boucle est testée, notamment sur une classe des Beaux-Arts et 16 élèves sur 20 entrent en transe plus ou moins profonde. Les états de transe seraient donc accessibles à un public plus large mettant définitivement hors de cause le don ou une psychopathologie. 

Elle nomme cette technique  « transe cognitive auto-induite » pour éviter toute confusion culturelle avec le chamanisme mongolien. Le CHU de Liège va alors reprendre les études sur les résultats de Corine Sombrun après les avoir vérifiées, et entreprend un plan de recherche de 4 ans sur l’impact positif que pourrait avoir la transe cognitive auto induite sur la détresse émotionnelle, les troubles de l’attention chez l’enfant, la réduction des douleurs, etc. 

De nombreuses hypothèses concernant les bénéfices liés à la transe sont émises, parmi elles une meilleure connaissance de soi et du monde qui nous entoure, favorisant ainsi le développement individuel. L’activation et la prédominance de l’hémisphère droit de notre cerveau pendant l’état de transe permettrait de nous connecter plus facilement à ce centre qui abrite notre intuition, notre créativité et notre empathie. 

Le lien entre la science et les pratiques ancestrales nous permet dans des cas comme celui-ci de faire des avancées notoires dans le traitement de certaines pathologies et dans la compréhension du fonctionnement de notre cerveau dans le cas des transes induites. Il est essentiel de continuer à construire des ponts et trouver les espaces où les pratiques se superposent, en gardant en tête l’intérêt de tous. Il n’est pas question de juger de ce qui est mieux mais de trouver ce qui est bon et utile. 

En espérant que cet article vous aura donné envie de garder l’esprit ouvert et pourquoi pas d’expérimenter une transe induite un jour!

Prenez soin de vous.

Laura Guillemané & Clémence Tillerot

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